Zanzibar (dpa) – Sous le soleil de plomb de Paje, une plage paradisiaque de sable fin et à l’eau turquoise, située sur la côte Est de l’archipel de Zanzibar, en Tanzanie, un groupe de femmes s’affairent à cultiver les algues, à la sueur de leurs fronts. Dos courbés et pieds nus, ces femmes connues sous le nom de « paysannes de la mer » bravent quotidiennement la chaleur accablante pour s’adonner à l’algoculture, la culture des algues marines. C’est leur principale source de revenu, devenue de plus en plus menacée par les changements climatiques.
« Nouées à des piquets en bois plantés dans le sable, les boutures d’algues sont laissées entre 45 et 60 jours. Une fois arrivées à maturité, ces plantes marines sont séchées au soleil pour être broyées et transformées en produits cosmétiques », explique Hasina Alitimal à la dpa. À l’instar de la plupart des femmes de Paje, cette algocultrice de 18 ans a appris sur le tas ce métier qui lui permet d’être financièrement autonome et de subvenir aux besoins de sa famille.
Impact sur la production
Introduite à Zanzibar en 1989, la filière de l’algoculture représente l’une de ses principales activités économiques et emploie environ 24.000 agriculteurs, dont 80 pour cent de femmes, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Cependant, cette activité aquacole reste aujourd’hui à la merci des changements climatiques, qui ont entraîné un déclin de certaines espèces d’algues, ce qui a lourdement impacté la production.
« Autrefois, nous cultivions deux variétés d’algues. Avec le dérèglement climatique, nous nous sommes vues contraintes de cultiver qu’une seule espèce. L’autre variété, dotée d’une qualité nettement supérieure, est presque épuisée en raison de la hausse de température de l’océan, défavorable au développement de ces plantes », témoigne Mwanaisha Makame, secrétaire générale d’une coopérative de femmes spécialisée dans la fabrication de savons à base d’algues.
Cette adversité climatique a poussé les femmes de Paje à cultiver leurs algues dans des eaux plus profondes, où l’eau est plus froide, explique la dirigeante de la coopérative, lors d’une visite de terrain organisée au profit de journalistes africains, dans le cadre du projet de gouvernance des pêches « FishGov 2 », lancé en janvier par l’Union africaine (UA) et financé par l’Union européenne (UE).
Ne pas baisser les bras
Mise en place en 2009, la coopérative aquacole regroupe une trentaine de femmes qui transforment les algues cultivées en produits cosmétiques dont essentiellement des savons. Cette coopérative est membre du Zanzibar Seaweed Cluster Initiative (ZaSCI), un réseau d’universitaires, de responsables gouvernementaux et d’agriculteurs œuvrant à préserver et à améliorer la culture des algues sur l’île. « Ce cluster nous a permis de développer davantage notre savoir-faire et de bénéficier d’opportunités de commercialisation », indique Mwanaisha à la dpa. « L’algoculture est devenue une rude épreuve pour nous, mais nous refusons de nous résigner et de baisser les bras. Nous continuerons encore à vivre de cette passion ».
Selon l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), l’algoculture fait partie des solutions qui ciblent le captage du dioxyde de carbone (CO2), ce gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique planétaire. « La capacité d’absorption d’un hectare de microalgues marines est environ dix fois supérieure à celle d’un hectare de forêt terrestre », a souligné l’institut, précisant que les microalgues, « présentes dans tous les milieux aquatiques », « représentent une immense source de biodiversité ». De plus, « le développement des microalgues dans l’alimentation humaine représentera un gisement protéique alternatif moins impactant pour le climat que l’élevage bovin », a affirmé l’Ifremer.