Le 5 septembre 2021, aux premières lueurs du jour, à Conakry, le colonel Mamadi Doumbouya n’était pas à la tête du commando qui a attaqué le palais de Sekhoutoureya.
Les opérations étaient conduites par le commandant Alia Camara, aujourd’hui détenu dans un lieu secret. Certains parlent d’une pièce réduite au palais Mohammed V pour ce jeune officier, originaire de la Basse-Guinée, formé par des officiers chinois.
Les autres membres de la galaxie Doumbouya n’ont également pas pris directement part aux opérations du coup d’Etat, comme le général Aboubacar Sidiki Camara, dit « Idi Amine », actuel ministre de la Défense. Il se trouvait à l’époque dans son ambassade, à Cuba.
Ou encore les colonels Amara Camara, Sadiba Coulibaly et le commandant Balla Samoura. Aujourd’hui, sur le plan militaire, Mamadi Doumbouya s’appuie sur ces hommes-là, ainsi que sur le général Namory Traoré, ex-chef d’état-major de l’armée, discrètement nommé ambassadeur de Guinée au Maroc. A cette liste, s’ajoute aussi la colonelle Aminata Diallo, surnommée « Naomi Campbell », par les diplomates occidentaux. Actuellement porte-parole de la junte et directrice générale de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS), elle a appris le coup d’état en écoutant la radio, à son réveil.
Quelques anciens légionnaires antillais traînent également au sein de la cour de l’ancien légionnaire.
Outre ces militaires, depuis ce 5 septembre 2021, le camp de Mamadi Doumbouya a vu le ralliement de certains civils. Tel l’actuel ministre des télécommunications, Ousmane Gaoual Diallo, porte-parole du gouvernement, devenu un défenseur zélé de la junte, après avoir tourné le dos à son ancien patron Cellou Dalein Diallo…qui lui avait valu de passer huit mois à la prison civile de Coronthie.
A sa libération, c’est le régime du président Alpha Condé qui lui avait offert un billet d’avion pour rejoindre Paris pour y être soigné.
On note également la présence de l’ex-Premier ministre Kabiné Komara, ancien secrétaire général de l’Organisation de la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) entre 2013 et 2017. Il était depuis lors, en froid avec le président Alpha Condé, en raison de sa non-reconduction à la tête de cette institution régionale, à cause d’une gestion controversée.
Mais aussi, l’ex-ministre Ousmane Kaba, en rupture avec l’ancien régime, pour le dossier des étudiants boursiers fictifs de son Université Kofi Annan de Guinée, le jeune docteur Dansa Kourouma, président de l’actuel Parlement de transition, activiste de la société civile qui voulait, dans le passé, se faire offrir une maison de 2 milliards de francs guinéens (230 000 euros), par le président Alpha Condé. Aussi, les deux magistrats, Charles Wright, ex procureur promu ministre de la justice et le procureur de la CRIEF (Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières), Aly Touré, tous les deux chargés d’éliminer par d’opportunes et souvent injustifiables décisions de justice, les adversaires de la junte dont certains sont aujourd’hui en prison.
Des politiciens de seconde main seraient également dans la salle d’attente, comme les opposants Lansana Kouyaté, Lansana Faya Milimono, Bah Oury, Siaka Barry, dont
l’ensemble des militants réunis tiendraient à peine dans un commissariat de police.
On peut également citer Boglo Haba, qui a quitté l’ancienne opposition pour créer un Front National de Défense de la Transition (FNDT), Marie Souare, ancienne salariée du groupe TotalEnergie, ou le jeune député du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), Souleymane Keita.
Des hommes d’affaires gravitent également autour du nouveau cœur du pouvoir, à l’instar de l’entrepreneur hyper-endetté Kerfala Person Camara, dit « KPC », et de l’ex-patron de la société Guinée Games, pourtant fermée par le palais, Antonio Souaré, ou encore l’ancien vendeur de téléphone portable Kegneko, aidé par Alpha Condé à acquérir une usine de farine, et l’industriel indien Ashok.
Voilà pour ceux qui rêvent de murmurer à l’oreille du colonel, comme ces visiteurs que sont les Sénégalais Pierre Goudiaby ou Cheikh Tidiane Gadio.
Il y a aussi l’étrange danse du ventre opérée par l’ambassadeur de France en Guinée, Marc Fonbaustier, devenu la « nounou » de Mamadi Doumbouya.
Après la fuite en Italie du Premier Ministre de transition, Mohamed Béavogui, son successeur, Bernard Gomou, nommé le 20 août 2022, après un intérim depuis le 16 juillet dernier, est un homme terne, ancien camarade de beuverie de l’actuel chef de l’Etat dans un maquis de la haute banlieue de Conakry. Cet ancien chef comptable de la société minière de Dinguiraye, totalement inconnu sur le terrain en Guinée, occupait depuis 2017, le poste de directeur général de Lanala Assurance, avant d’être nommé ministre du Commerce, de l’Industrie, et des Petites et Moyennes Entreprises, en octobre 2021.
A Conakry, le pouvoir fonctionne d’abord autour du secrétaire général de la présidence, le colonel Amara Camara, fils de l’ancien général Diarra Camara, impliqué dans le passé dans un trafic de drogue. Le colonel a envoyé sa femme vivre au Canada, comme d’autres membres du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD).
Quant au directeur de cabinet du chef de l’Etat, Djiba Diakité, c’est un ancien employé de banque arrivé tout droit de Paris.
A l’étage, on trouve El-Hadj Thierno Mamadou Bah, conseiller personnel du président de la transition. Journaliste, fondateur du journal Le Défi, il est aujourd’hui influent sur les décisions ou dans la distribution des largesses de Mamadi Doumbouya, comme récemment pour offrir de l’argent et un somptueux 4×4 à la chanteuse Binta Lalia Sow. Il est également réputé pour mobiliser les marabouts pour le régime. Même si dans le passé, il s’est illustré dans une histoire de sextape, en tentant de faire chanter l’entrepreneur « KPC », incriminant un certain Makhou Kéita, gentleman récemment décédé en France, et l’homme d’affaires Nouhan Conté, dont les agapes se seraient déroulées dans son appartement. L’actuel conseiller demandait 50 000 dollars, pour étouffer l’affaire, mais « KPC » l’avait traduit devant le tribunal de première instance de Dixinn, après une scène mémorable où les deux hommes s’étaient battus dans la rue !
El-Hadj Thierno Bah est président du conseil d’administration de l’Office Guinéen de Publicité (OGP), dirigé par un proche du président de la transition, l’animateur radio Mandian Sidibé. Celui-ci, sorte de milicien quasi analphabète, « insultologue », comme il est dit à Conakry. Connu pour ses outrances verbales passées contre le président Alpha Condé, avant de s’exiler à Paris où il deviendra vigile dans un établissement public. Aujourd’hui, celui qui se proclame griot officiel du régime, est soupçonné, dans la presse locale, d’avoir pillé l’OGP et d’avoir signé un contrat de gardiennage fictif à 50 000 dollars par mois, déclenchant un audit de l’inspection d’Etat.
Aux côtés de Mamadi Doumbouya, on compte encore le directeur du protocole, Ahmed Sékou Coumbassa, connu à Conakry sous le nom d’Ahmed Durack. « Français
approximatif », look de rappeur, l’homme a arrêté ses études au niveau de la 3ème, au lycée du 2 Octobre, dans la commune de Kaloum, avant de s’exiler en Côte d’Ivoire, puis aux Etats-Unis. Là-bas, il tissera des relations avec le colonel Mamadi Doumbouya. Notamment par l’intermédiaire d’un ami commun, Papa Fofana, de son vrai nom Fodé Amadou Fofana, né en Côte d’Ivoire, avant de partir tenter l’aventure Outre-Atlantique.
Depuis sa nomination, Ahmed Sékou Coumbassa passe le plus clair de son temps dans les avions, pour des missions privées de son « parrain ». Le surnom que les éléments des forces spéciales donnent au colonel Mamadi Doumbouya au niveau de la porte d’entrée appelée « Wantanamo » du palais Mohammed V. Signe des temps, Ahmed Durack roule souvent à bord de voitures luxueuses, distribuant des devises aux forces spéciales postées au palais. Son poste à Conakry est dirigé par son adjoint, Komara, neveu de Kabiné Komara, l’ancien Premier ministre de transition du temps du capitaine Moussa Dadis Camara. C’est aussi l’ancien secrétaire particulier d’Alpha Mohamed Condé, fils du président Alpha Condé.
Les services spéciaux sont quant à eux dirigés par le colonel Tidjan Traoré, alias « Tidjo », ancien cadre du 2e bureau de l’état-major au camp Samory Touré, le bataillon du quartier général (BQG). Ce dernier est également un ancien des services spéciaux au temps du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) du capitaine Moussa Dadis Camara. Jouant les bons offices d’officier « Corbeau », le commandant du Camp Makambo, ami proche du colonel Mamadi Doumbouya, terrorise les jeunes manifestants du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC). D’ailleurs, il est accusé d’avoir tiré à bout portant sur un caporal des forces spéciales proche du commandant Alia Camara. Selon la version officielle, il aurait effectué une mauvaise manipulation avec son arme…
A la lecture de cette liste à la Prévert, on se dit que les hommes de l’ancien légionnaire…occupent toute la surface du terrain !